jeudi 5 juillet 2007

Anacoluthe en Gare du Nord

En dehors d'être une des plus belles insultes du capitaine Haddock, l'anacoluthe est un figure de style assez fine à saisir : la rupture de construction syntaxique dans une même sentence. Je donne en haut à droite de ce blog un exemple emprunté à Charles Baudelaire :

"Exilé sur le sol au milieu des huées / ses ailes de géant l’empêchent de marcher."


Cette rupture poétique évoque chez moi quelques ruptures autrement plus laborieuses, s'ancrant dans la réalité médiatique contemporaine, et par exemple très récemment : "Un bus a été sauvagement attaqué par des jeunes / il est temps de renvoyer les étrangers chez eux."

Très bel exemple d'anacoluthe exprimé par Philippe de Villiers qui, comme David Vincent, a vu les envahisseurs : le premier fait (réel) s'articule sans plus de manières avec la résolution qu'il lui enchâsse. Vous avez compris le principe de cet anacoluthe qui, en l'occurence, présente la seconde partie de la phrase comme une conclusion logique de la première. Et ce détournement aux origines stylées est malheureusement une fabrique intensive du politique.

Ainsi, en gare du Nord un jeune fût molesté par des uniformes, provoquant une émeute et un bouquet de commentaires allant des "bandes ethniqes" (de Villiers les a vues) aux "bandes de jeunes" (chez les socialistes on aime les jeunes) en passant par les "bandes de voyous" (à l'UMP on n'aime pas les voyous). De quoi sommes-nous sûrs ? Quel est le lien entre l'information de base et son commentaire ? Aucun. Chacun est libre de transformer cette information pour la contraindre à épouser sa conviction initiale. Et d'ailleurs qui s'en soucie puisque l'information initiale, personne n'a pris le soin de la vérifier : le jeune n'était pas jeune, la bande n'en était pas une, l'émeute était une scorie chaotique (plusieurs fois répétée depuis dans un relatif anonymat) et les images de guerre civile se résument le lendemain (pour les rares journalistes qui ont été sur les lieux) à 2 vitrines cassées...

A tous, je ne conseillerai jamais assez de réfléchir à la sagesse populaire d'un adage entendu au coin du comptoir, hier, en traînant vers Bercy :
« Ah, ben alors ça, c’est pas tombé dans l’oreille d’un borgne ! »

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Meuh, non. Ce blog est fichtrement joli, mais une anacoluthe, c’est une rupture de construction syntaxique, non un amalgame entre deux faits sans rapport.

marceau a dit…

Vous avez raison, cher Klaus. J'étais emporté / la rectification est portée.