mardi 20 octobre 2009

Apophtègme du Prince Jean

Il en va de la mémoire comme de la bouée de sauvetage en politique. Quand ils ne savent plus quoi dire à leurs concitoyens, nos élus trouvent toujours un réconfort pratique dans les livres d’histoire. Regardez la polémique concernant Jean Sarkozy. Bayrou, jaloux, évoque la décadence Romaine, Montebourg, vengeur, la Révolution Française, Huchon, paresseusement, la Monarchie et Lagarde, gaffeuse, Bonaparte.

L’ennui avec ces perpétuels retours à l’histoire, c’est qu’on s’aperçoit de la vacuité de certaines pensées. L’avantage, à l'inverse, avec la culture, c’est qu’elle donne à réfléchir.

Dans ce domaine, la palme du panache revient à Patrick Devedjan qui, non sans
ironie sur les origines du Prince Jean, a trouvé LA phrase qui a fait florès dans les médias, un apophtègme emprunté au Cid de Corneille « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années. »

Du grec apophtegma, « sentence », l’apophtègme, se doit d’être court et précis, et est d’autant plus mémorable qu’il est le fait d’une personne remarquable (Platon par exemple, ou Pierre Desproges).


Ainsi, avec la finesse de Devedjan, Arnaud Montebourg eut pu déclamer tel Confucius « La vraie faute est celle qu’on ne corrige pas » (ici, celle d’être né précisément) et Frédéric Lefebvre lui répliquer, par le même auteur, sur les origines du Prince, et drapant sa toge en direct sur TF1 « Rappelle-toi que ton fils n'est pas ton fils, mais le fils de son temps »...


Y a pas à dire, ça aurait plus de gueule !

Quoi qu'il en soit de ces gloses, nulle angoisse ne peut survenir quant à l'avenir du jeune Prince. Un fameux Nicolas avait d'ailleurs prévu l’épilogue ; ce prince Jean si Charmant, ce bien né, EPAD ou pas EPAD, imposera très certainement demain son allure aux électeurs, bien plus qu’aux médiateurs...

« En vain contre le Cid un ministre se ligue,

Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue.

L'Académie en corps a beau le censurer,
Le public révolté s'obstine à l'admirer. »


(Nicolas Boileau)

vendredi 9 octobre 2009

Paradoxe, entre Bataille et Fontaine

Le paradoxe est une figure de style plus précise que ce que l'on entend généralement : elle consiste à joindre deux termes incompatibles ou contradictoires en faisant comme s’ils ne l’étaient pas. Il s'agit donc d'affirmer quelque chose qui va contre les idées courantes et qui se présente comme contraire à celles-ci jusque dans sa formulation.

Une règle qui permet de reconnaître un bon
paradoxe c'est que celui-ci apparaît, à la réflexion, comme vrai. On a pu ainsi dire que "3 jours après sa mort, Mitterrand était encore vivant", ce qui n'était pas drôle mais vrai.

Une phrase absurde au premier abord devient ain
si tout à fait logique dans un second temps.

Le site E24 a livré ce matin un paradoxe explosif en titrant : "Bataille et Fontaine vont ouvrir une école". On ne mesure pas au premier abord la portée étouffante de cette affirmation saugrenue. "Bataille", "Fontaine", "École"... "Ah, ah, suis-je sot, nous sommes le 1er avril !" dit mon cerveau disponible. "Ah tiens, non, le 9 octobre, rien à voir" répond ma montre...

Foutre et damned !
Bataille et Fontaine, vont former des jeunes à leur image, avec leur vécu, leurs techniques et leur talent, pour que nous ayons demain à la TV des bataillons de Fontaine et des flots de Bataille. Un peu comme si nous avions un xénophobe pour Ministre des cultes (rires), comme si TF1 était le support d'information le plus crédible pour nos concitoyens (tapage de cuisses, foulure de maxillaires) ou comme si Raymond-la-science était sélectionneur de l'équipe de France (martèlement de côtes, hoquets nerveux, hilarité inextinguible).

Et finalement c'est vrai.


J'imagine les cours que ces deux maîtres, tels des Lao Tseu modernes, vont pouvoir prodiguer à ces post-ados dépressifs cherchant leur voie dans la TV. "
Rappelez-vous que le public est d'autant plus con qu'il est plus nombreux" ; "Le cul c'est bien, mais la misère ça rapporte mieux" ; "Pour faire mieux, faites pire, et si ce n'est pas assez continuez car le pire est un idéal qu'on atteint jamais". Préparez-vous donc, vous qui comme moi avez eu l'inconscience de faire quelques enfants en pensant que l'avenir verrait l'humain s'améliorer, à affronter la TV de demain. Elle sera inventée par les cohortes de diplômés en "freaks-casting", de masters en "story telling" et autres graduates en "bullshit for everybody".

Moi qui me posais des questions sur la qualité des écoles de journalisme, je viens d'avoir un flash : et si les médias n'avaient plus besoin du journalisme ? L'école Bataille et Fontaine pourrait remplacer bientôt le CFJ, et la TV se transformer en cette belle que décrivait Boileau dans un magnifique paradoxe (nous y voilà) : "
celle qui toujours parle et ne dit jamais rien".